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Amand Marie Jacques DE CHASTENET DE PUYSEGUR :

né le 1er mars 1751 à Paris, mort le 1er août 1825 à Buzancy (Aisne), officier-général d'artillerie, connu pour ses expériences retranscrites de la pratique du magnétisme animal sur l'homme.

PUYSEGUR est l'élève de Franz-Anton MESMER à partir de 1782.

PUYSEGUR se distingue de MESMER en déclarant n'être qu'un vecteur pour les malades qui seraient leurs propres médecins, là où MESMER prétend soigner par une action physiologique dont le magnétiseur serait la source.

À partir de 1784, dans son domaine de Buzancy dans le Soissonnais, PUYSEGUR commence à pratiquer une mise en état de transe réputée apporter la guérison, pour soigner les maux du personnel de son château. Suite à cette pratique, il constate chez Victor RACE alors âgé de 24 ans, un paysan dont la famille est à son service, un état de somnambulisme.

Victor, bien qu’endormi, manifeste une activité mentale intense, s’exprime sans son patois et sur des sujets qui excèdent ses préoccupations habituelles, Victor semble capter ses pensées et ses désirs sans qu’il ait besoin de les formuler.

Lorsqu’il est en transe, Victor aide PUYSEGUR à diagnostiquer les maux des autres malades et lui explique la conduite à tenir envers eux.

En 1785, il amène Victor RACE à Paris pour faire une démonstration de ses découvertes devant MESMER. Il crée à Strasbourg la « Société harmonique des amis réunis » au sein de laquelle il forme quelque deux cents magnétiseurs et instituera de nombreux centres de traitements. Cette société continue à exister jusqu'en 1789.

PUYSEGUR est le chef de file de l'école de magnétisme animal « psychofluidiste ».

L’hypnose sera le centre de la doctrine et de la pratique du marquis de PUYSEGUR.

PUYSEGUR sera maire de SOISSONS (1800-1805) avant de quitter le service public pour se livrer à son activité de magnétiseur et de se consacrer intégralement aux soins gratuits de ses malades dans son château de Buzancy transformé en infirmerie.

PUYSEGUR avait opéré de nombreuses guérisons, qui avaient consacré sa réputation. On lui en attribuait 62 en six mois et sa liste d’attente comptait 360 patients. PUYSEGUR se livrait à d’autres recherches, orientées vers le domaine de l’étrange et du mystère : la communication et la vision à distance, mais aussi la vision du futur par le recours à un médium.

L’attrait exercé par ces séances était grand. Elles s’entouraient d’un climat de mystère et de transgression. Rares sont les témoignages directs sur ce qui se passait dans ces réunions intimes. Henriette d’OBERKIRCH, issue de la petite noblesse alsacienne, curieuse de tout, notait au jour le jour ses impressions et résumait les conversations attentivement écoutées. Henriette assista à une séance du plus haut intérêt. Voici ce qu’elle en dit dans ses Mémoires :

« 1er février (1786) - A onze heures, il y avait une séance de magnétisme chez madame la duchesse de Bourbon. MM. de PUYSEGUR devaient y amener plusieurs somnambules et les endormir. De l’aveu même du docteur MESMER, le marquis de PUYSEGUR est plus habile que lui. Après avoir endormi les malades et les avoir jetés dans un somnambulisme complet, il les fait obéir à sa volonté, à ses gestes et au mouvement de la baguette. M. de Chastenay-PUYSEGUR, son frère, qui [...] sert dans la marine, a le même succès, tellement qu’on le regarde comme un personnage surnaturel. Ces messieurs obtiennent, des sujets qu’ils endorment, non seulement la connaissance du présent dans des lieux éloignés, mais encore la prescience de l’avenir. D’autres fois ils mettent, en le magnétisant, un homme en rapport avec une fille en état de somnambulisme. Alors celle-ci exécute ses pensées et le suit partout. Cela ne dure que pendant le sommeil magnétique, et la somnambule ne se souvient de rien. Une fois éveillée, elle reste parfaitement indifférente pour celui avec lequel elle a été mise en rapport.
Ce fut ce qui arriva ce jour-là. M. de PUYSEGUR mit en rapport une de ses somnambules avec un jeune secrétaire de l’ambassade d’Espagne ; ils ne s’étaient jamais vus. A peine cette fille, assez laide du reste, lui eut-elle touché la main, qu’elle s’illumina spontanément ; son visage changea du tout au tout et prit une expression véritablement extraordinaire. Elle se leva avec une grâce pleine à la fois de modestie et de passion, et s’approcha du jeune homme auquel elle dit en baissant la tête :
- Je vois votre pensée. Vous avez accepté d’être mis en rapport avec moi pour obéir à Son Altesse, mais vous n’en aviez aucun désir ; vous craigniez que ce contact passager de nos deux âmes ne laissât une trace dans la vôtre ou dans la mienne. Je ne suis point jolie, et c’est désagréable l’amour d’une laide. Soyez tranquille, je ne vous plairai jamais et vous ne me plairez plus à mon réveil.
Le jeune homme rit en nous regardant.
- C’est là ma pensée, dit-il. En souffrez-vous ?
- Oui, en ce moment.
- Et qu’est-ce que je pense encore ?
- Oh ! vous pensez à une femme que je vois bien loin d’ici ; elle est dans une chambre peinte et ornée à jour, elle porte un costume que je n’ai jamais vu à personne. Oui, de larges pantalons, les jambes nues, avec des mules brodées en or, une robe de gaze, un long voile sur un bonnet très haut, en argent découpé, qui fait comme la coiffe des femmes du pays de Caux. Tout cela est bien riche et cette femme est bien belle.
Le secrétaire d’ambassade, un comte d’Aranda, autant que je puis me souvenir, était pâle et tremblant ; il ne trouvait pas une parole.
- Est-ce vrai ? demanda M. de PUYSEGUR.
- Oh ! comment peut-elle savoir cela ? murmura-t-il.
- Voulez-vous qu’elle se taise ou qu’elle continue ?
- Qu’elle continue, répliqua-t-il vivement. Pouvez-vous lire dans la pensée de cette femme ?
- Oui.
- Qu’y voyez-vous ? M’aime-t-elle ?
- Non, dit la jeune fille en secouant tristement la tête.
- Elle ne m’aime pas ! En aime-t-elle un autre ? Est-elle seule ?
- Elle est seule, pas depuis longtemps, pas pour longtemps. Ecoutez ce que je vais vous dire, retenez-le et faites-en votre profit, monsieur le comte. Il est fort heureux que vous m’ayez interrogée ; vous étiez perdu sans cela. Vous avez écrit à cette femme.
- Oui.
- La lettre est dans un petit sac brodé qu’elle porte à sa ceinture ; elle l’a reçue ce matin.
- Pouvez-vous la lire ?
- C’est difficile ; cela me fatiguera bien.
- Lisez-la, je le veux, interrompit M. de PUYSEGUR en la chargeant de fluide.
- Oh ! que vous me faites mal ! vous me brisez la tête et le cœur.
- Lisez.
- Je vois, je vois. Vous êtes bien fou, monsieur le comte, vous promettez à cette femme d’aller l’épouser, de l’enlever dans six mois, dès que vous aurez atteint vos vingt-cinq ans. Oh ! mon Dieu, oh ! mon Dieu, cette femme est une juive !
Ce mot produisit un effet que je ne puis rendre sur les assistants ; nous étions à peu près une demi-douzaine. Le diplomate devenait de plus en plus pâle et son émotion était visible.
- Monsieur le comte, demanda encore M. de PUYSEGUR d’un ton sérieux, doit-elle continuer ?
- Oui, oui, je préfère tout savoir. Si cette femme ne m’aime pas, qui aime-t-elle ?
- Un homme de sa nation, un misérable, un voleur.
La sueur froide nous prit à tous.
- Oui, on compte vous attirer lorsque vous reviendrez, vous faire signer je ne sais quels papiers, pour vous laisser libre, et si vous refusez...prenez garde.
Le son de voix de cette somnambule avait, je vous assure, quelque chose de surnaturel en ce moment ; évidemment elle était inspirée.
- Mais cette femme...cette malheureuse...je l’ai fait instruire, baptiser, elle est chrétienne.
- En cela, comme en tout, elle vous a trompé, monsieur. Pure cérémonie, pour mieux vous abuser ; elle est juive de cœur et de pratique.
- Elle ne m’aime pas ! répétait ce jeune insensé tout bas.
Cette idée seule le frappait. Ni son danger ni les autres trahisons dont on le menaçait n’arrivaient jusqu’à lui. Il ne pensait qu’à son amour ! Pauvre jeune homme ! épouser une juive ! un gentilhomme des vieux Castillans !
Ah ! mon Dieu, madame, me dit-il après très simplement, ma mère en serait morte de chagrin, et vous voyez ! ».

Suit alors le récit d’une aventure rocambolesque survenue à Ceuta où le jeune homme, sauvé d’une congestion cérébrale dans le quartier juif, a été ensuite ensorcelé par un breuvage étrange. Vérification faite sur place, tout était vrai, assure la narratrice, qui ajoute aussitôt : « Cette histoire me frappa beaucoup, mais elle n’est pas la seule extraordinaire que j’aurai occasion de raconter pendant le cours de magnétisme que nous suivîmes pour ainsi dire, cet hiver-là, avec madame la duchesse de Bourbon ».

Séance que PUYSEGUR organisera à Strasbourg le 18 janvier 1789 :

« Je retrouvai avec grand plaisir M. de PUYSEGUR à Strasbourg ; nous recommençâmes le magnétisme comme dans les beaux jours de Paris. Il rencontrait, disait-il, des sujets excellents parmi les jeunes filles des montagnes, celles de l’autre côté du Rhin surtout. Nous nous réunissions presque chaque jour pour des séances ; j’y crois fortement et je désire voir cette croyance se propager le plus possible. Je suis convaincue qu’elle rendrait les hommes meilleurs en leur donnant foi dans l’autre vie. Je ne puis donc m’empêcher de raconter encore ce que j’ai vu et entendu au commencement de cette année chez M. de PUYSEGUR, dans une séance à laquelle assistaient le maréchal de Stainville, M. d’OBERKIRCH, mon frère et moi. La baronne de BOCCKLIN nous avait fait faux bond.
La somnambule était une jeune paysanne de la Forêt Noire, assez maladive, assez frêle contre l’usage de ce peuple montagnard. Elle était d’un naturel mélancolique, contemplatif, très propre à la catalepsie, et en effet elle y tombait souvent avec une grande facilité. Elle nous avait montré ce jour-là plusieurs phénomènes très curieux, et on allait la réveiller lorsque le maréchal de Stainville lui demanda s’il ne pourrait pas lui adresser des questions. M. de PUYSEGUR lui répondit qu’il en était parfaitement libre, mais après qu’elle se serait reposée un peu, il craignait de l’avoir fatiguée par ses exercices. Elle dormit environ un quart d’heure, puis elle dit d’elle-même qu’elle désirait parler au maréchal.
- Je sais ce qu’il va me demander, et j’ai des choses tristes à lui apprendre.
M. de STAINVILLE la pria de dire tout haut quelle était sa pensée.
- Vous vous préoccupez des affaires du temps, vous voulez savoir quel sera l’avenir de la France et surtout celui de la reine.
- C’est vrai, répondit le maréchal fort étonné.
Il courait alors en France et à l’étranger plusieurs prophéties de différentes personnes. Ces prophéties trouvaient assez de créance : celles de M. CAZOTTE surtout. Bien des gens les lui avaient entendu prononcer, et il était impossible d’en nier l’existence. Mais elles annonçaient des choses si extraordinaires, on disait alors si impossibles, que la raison devait les repousser dans la classe des rêves et des exagérations. M. de STAINVILLE, comme beaucoup d’autres, désirait un éclaircissement sur cette prophétie. Cette enfant d’outre-Rhin n’en avait certainement jamais entendu parler, il était curieux de savoir si ses paroles se rapporteraient à celles du visionnaire. C’était déjà un fait bien étrange que de voir sa pensée divulguée avant qu’il eût parlé.
En ce moment entra le marquis de PESCHERY, lieutenant du roi à Strasbourg ; on lui expliqua en peu de mots de quoi il s’agissait, et il prit place. Ce n’était ni un homme convaincu, ni même un homme bienveillant pour le magnétisme. Le maréchal répéta sa question.
- J’ai besoin de penser quelques minutes avant de vous répondre positivement, monsieur ; ce sont des choses si graves et si singulièrement embrouillées encore.
- Dites- moi d’abord si les prédictions dont j’ai connaissance, celles que j’ai entendu faire, sont véritables, s’il faut y ajouter foi.
- En tout point, répondit-elle sans hésiter.
Nous nous regardâmes tous ; quant à moi, je vous assure que le frisson me prit. J’avais justement lu la veille la fameuse prophétie de M. CAZOTTE, envoyée en Russie par M. de LA HARPE, et que la grande-duchesse m’avait fait passer.
- Quoi ! dit le maréchal, tout arrivera ainsi qu’il est dit ?
- Tout et d’autres choses encore.
- Quand cela sera-t-il ?
- D’ici à fort peu d’années.
- Mais encore, ne pouvez-vous préciser le temps ?
Elle réfléchit un instant, puis elle ajouta :
- Cela commencera d’éclater cette année même, et cela durera peut-être au moins un siècle.
- Nous n’en verrons donc pas la fin ?
- Beaucoup d’entre vous n’en verront pas même le début.
Le maréchal continua :
- Que se passe-t-il à Paris en ce moment ?
- On conspire. Celui qui conspire sera victime de sa méchanceté. Il triomphera d’abord, mais après son sort sera horrible ; il sera le même que celui de ses victimes. Oh ! mon Dieu, mon Dieu ! que de sang ! que de sang ! c’est affreux.
Elle cacha ses yeux avec ses mains, comme pour ne pas voir ces objets effroyables.
- Et vous êtes sûre que la destinée promise à de nobles personnages s’accomplira ?
- Oui.
- Quoi ! la mort ? Quoi ! le supplice ?
- Oui, oui, la mort et le supplice.
- Et moi, continua-t-il, dois-je partager ce désastre annoncé à ma famille ?
- Non, monsieur.
- Ah ! je me sauverai de cette débâcle, c’est singulier. Un vieux soldat tel que moi n’a guère cette habitude.
La somnambule garda le silence.
- Quelle sera donc ma fin, alors ?
Elle se tut obstinément.
- Vous craignez de me le dire ? Ah çà ! puisque mes parents seront décapités, et qu’il m’arrivera pis, ce me semble, est-ce donc par hasard que je serai pendu ? Cela est indigne d’un gentilhomme, et je ne m’en consolerais pas. Voyons, parlez ; ne craignez rien. Je n’ai pas peur. La mort et moi nous nous connaissons ; nous nous sommes vus plus d’une fois et de près.
La jeune fille refusa encore de répondre ; elle refusa longtemps. Enfin M. de PUYSEGUR, sur les instances du maréchal, l’y contraignit.
- Pauvre monsieur ! dit-elle lentement et les larmes aux yeux, pourquoi me demander ce que vous saurez vous-même d’ici à bien peu de mois ?
- D’ici à peu de mois ! je mourrai d’ici à peu de mois ! je ne verrai donc pas tout cela ? Ah ! tant mieux ! vous me soulagez d’un grand poids ; je n’assisterai pas au déshonneur, à la perte de la France. J’en remercie le ciel. Je mourrai dans mon lit.
- Oui, répliqua-t-elle d’une voix si basse qu’on l’entendit à peine.
- Monsieur le maréchal, dis-je très émue, les paroles des somnambules ne sont pas des articles de foi.
- J’espère bien que si, madame la baronne, car ce qu’elle m’annonce m’est fort précieux. Du reste, nous n’avons pas longtemps à attendre pour savoir à quoi nous en tenir.
Ce sang- froid du guerrier nous frappa tous fortement. M. de PUYSEGUR en était contrarié ; il craignait beaucoup qu’on ne l’accusât de mal user du magnétisme qui devrait servir surtout à la médecine et au soulagement de l’humanité.
- Je vous en prie, monsieur le maréchal, laissez-moi la réveiller.
- Pas avant que je lui aie demandé une seule chose, Monsieur, interrompis-je. Qu’arrivera-t-il ? où est ma pensée ?
- Ah ! Madame, j’y vais. Il s’y passe en ce moment de tristes événements. Je vois cet endroit, je le vois, il est en ce moment au milieu de l’eau, oui, elle monte, elle monte. Ah ! c’est effrayant une inondation...oui...une inondation...Il y aura bien des pertes...heureusement personne ne périt. Madame, vous verrez que je ne vous trompe pas, vous le saurez bien, vous le saurez bientôt ».

L’inondation se produisit le jour même. Quant aux massacres de la Révolution, la baronne ne pouvait, en l’été de 1789 où elle achevait ses mémoires, en vérifier la prédiction.

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